J'avoue que je n'étais pas la plus convaincue par l'idée mais ce camp est une réussite. J'en avais fait des dizaines dans mon enfance et adolescence ainsi, l'idée me semblait un peu puérile maintenant mes études terminée. Et pourtant, poussée par l'envie de m'améliorer, j'étais partie avec tant d'autres pour cet entraînement au goût de vacance.

Les journées sont fatigantes, les exercices sont intensifs et nous travaillons sans relâches, nos maîtres y veillent. Et le soir, nous pouvons profiter de temps libres et de repos bien mérité. Je vis ce camp avec nostalgie, cela me rappelle les camps d'escrimes auxquels j'ai jadis participé avec mon frère. A l'époque, au moins, j'étais avec ma famille et je réalise maintenant que la solitude est parfois difficile à supporter. Avant, je voyais mes proches quotidiennement et je n'avais donc pas de soucis à ne pas développer plus de relations profondes. Depuis que je suis ici et malgré des discussions par SMS et par appels avec ma fratrie et mes parents très régulièrement, ils me manquent terriblement. Alors je me raccroche aux souvenirs que ce séjour éveille en moi.

Au moins, je peux sentir que je m'améliore, la bonne fatigue dans mes muscles une fois que j'ai récupéré me l'indique. Je m'entraîne avant les premières lueurs de l'aube jusqu'à ne plus pouvoir tenir debout, quand mes poumons me brûlent et que j'ai l'impression que mes muscles vont se déchirer. C'est pourquoi la nuit est toujours bienvenue. Quand mon corps ne me permet plus de bouger, je me tire comme je peux sur les bords du terrain et quand je parviens enfin à me relever, je m'écarte vers le lac ou un autre endroit calme. Je reste un peu dehors à profiter du cadre calme pour récupérer et je vais ensuite me laver et me coucher pour recommencer le lendemain.

Je ne peux cependant me permettre d'adopter ce rythme aujourd'hui. On nous a montré au premier jour un calendrier des charges et chacun a les siennes, changeant avec les jours. Ce soir, c'est mon tour de garder l'entrée de ce Domaine et je dois adapter ma journée en conséquence. Je ne peux décemment pas rester en veille une partie de la nuit si je me pousse au-delà de mes limites durant les exercices de la journée et mes pauses.

Alors une fois la journée terminée selon le programme, je pars me reposer et manger un morceau pour tenir les heures de surveillance qui s'annoncent. Je passe devant l'entrée et en profite pour regarder le nom de mon partenaire pour la tâche qui m'attend. Quand je lis les kanjis à côté des miens, j'ai du mal à le croire. Tokito Muichiro? Comme le jeune prodige qui est devenu Pilier en quelques semaines ? Je me félicite d'avoir étudié les archives à mon arrivée. La fan du manga que je suis couplée à mon éducation m'ont poussé à me renseigner sur les véritables identités des personnages de l'œuvre. On m'a toujours appris à connaître les noms, statuts et un minimum de l'histoire des personnes importantes d'une entreprise. Bien sûr, on n'est pas dans une, ici. Mais on ne perd pas facilement des habitudes.

Dire que je vais rencontrer un autre de ces personnages qui ont marqué l'histoire de notre Armée, sur un hasard. Je me mets en tenue : l'uniforme est de circonstance quand on accomplit son devoir. Une fois prête, je me dirige vers les portes d'entrée toutes parées de Glycines, en protections contre les démons. Le calme se fait peu à peu alors que je m'éloigne de la vie qui fourmille dans les dortoirs et aux alentours. J'arrive en avance et le Soleil, maintenant les démons à l'écart comme jadis, n'est pas encore couché. Pourtant, mon partenaire de ce soir est déjà, il aime être en avance également, à ce que je vois.

- Bonsoir, je suis Kageosora Noakeno. Je m'incline en me présentant Je serais ta coéquipière pour ce soir, faisons du bon travail.

Je le regarde dans la lumière qui diminue. Il a l'air jeune, pas autant que celui dont parle les archives mais il doit toujours être un adolescent. Je suis constamment surprise de l'âge peu avancé des membres de l'armée, nous ne sommes pas nombreux à approcher les 25 ans. Quand je pense qu'il est illégal d'entraîner des enfants dans les guerres, je pense en moi-même que cela doit vraiment être discutable et que notre combat est suffisamment discret que pour ne pas soulever ce genre de débat éthique au niveau national. Je reporte mon attention sur le jeune homme.

- As-tu déjà été de garde ou est-ce également ta première nuit à surveiller l'entrée ?

Je demande en avançant vers les grands panneaux de bois renforcé. A notre époque, je pense qu'ils n'ont de bois que l'apparence et je les dépasse en actionnant au passage le mécanisme pour les fermer derrière nous, comme il nous l'a été expliqué au premier jour. J'observe alors les demis-sceaux se réunir en un seul tandis que les portes se closent. Le silence est encore plus frappant, une fois de l'autre côté.

Tout en rejoignant l’entrée du camp d’entrainement, tu admires les étoiles qui sont en train de peuplés le ciel, en ce soir dégagé. Tu n’aimes pas vraiment la nuit. Tu n’aimes pas le froid que cela apporte, ni le danger, désormais que tu le connais, que la nuit couvre. Tu n’aimes pas la noirceur de la nuit, et le fait que la majorité des gens sont inaptes même à pouvoir se déplacer correctement. Tu n’aimes pas le fait que tout semble bien plus intense : les bruits, les odeurs, les sensations, durant la nuit, car les sens des humains sont augmentés par la peur. Tu n’aimes pas que, à chaque combat, les démons ont l’avantage, alors que vous avez toujours, et aurez toujours le désavantage du lieu et du temps. Mais ce camp semble vouloir renforcer les liens entre vous : Car, bien que vous n’ayez aucunement le temps en votre faveur, vous avez autre chose qui montre votre force : Votre capacité à travailler, pour la majorité en équipe. Quand le Maitre était venu discuter avec toi, t’apprenant que tu faisais parti de leur Armée, il t’avait mentionné que votre force reposait surtout sur votre facilité à combattre ensemble. Tu lui avais dit que tu étais de nature solitaire. Il avait souri, disant que cela ne le surprenait pas de toi. En lisant les archives, tu avais un peu mieux compris ce qu’il avait voulu insinuer. Travailler en équipe ne semblait également pas avoir été ta force au début. Pourtant, tu avais accepté ce camp d’entrainement, comprenant en effet que combattre avec les tiens allaient t’amener une force, que tu ne croyais peut-être pas encore, mais que tu avais envie d’espérer. Tu devais surtout apprendre à faire confiance. Aux autres, mais aussi à permettre le fait que, dans un combat aussi horrible qu’était les combats contre des démons, il y aurait toujours des blessés. Tu ne pouvais pas protéger tout le monde, même si tu le désirais ardemment. C’était compliqué pour toi, d’accorder ta confiance, mais aussi d’accorder ta confiance au destin, qui t’avait plus d’une fois trahi.

Clignant des yeux quelques fois, tu réalises que tu t’étais, encore une fois, perdu dans tes pensées, alors que tu baisses lentement les yeux en voyant que tu es arrivé à l’entrée du camp. Tu avais rejoint le Camp d’été pour quelques jours, dans le but de devenir plus fort, mais surtout dans celui de commencé à apprendre à travailler avec les autres. En tant que Pourfendeur, et ancien Pilier, tu avais envie de reprendre vite ta force d’autrefois, pour pouvoir défendre les tiens. Cela passait par ce camp, mais aussi par le fait de faire confiance aux autres. Justement, ce soir, tu étais pour la première fois sous la surveillance, et tu devais rejoindre un groupe de Pourfendeur pour pouvoir veiller sur l’entrée avec eux. Le soleil fini de, lentement, se coucher un peu plus loin. Le coucher du soleil est joliment décoré dans le ciel, même si tu avoues en apprécier bien plus le lever. Tu arrives en avance au point de ralliement, comme souvent. Tu détestes arriver en retard, ou même à l’heure, tu veux toujours être d’avance. Heureusement, celle qui allait être ta collègue ce soir ne prend vraiment pas beaucoup de temps pour arriver également. Tu te tournes vers la jeune femme, qui semble un peu plus âgée que toi, et tu viens lentement t’incliner. « Bonsoir. Je suis Tokito Muichiro. J’espère ne pas te décevoir. » indiques-tu d’une voix très calme. « Enchanté, Kageosora. »

Tu viens la regarder un moment, pour pouvoir la détailler, toujours avec un regard calme, patient. Elle a un physique un peu hors du commun, mais elle est belle. Non pas que cela importe pour beaucoup, ce n’est qu’un constat que tu te fais intérieurement. Tu te demandes si tu peux trouver son nom dans les archives. « C’est ma première surveillance également. » indiques-tu. « Je viens d’arriver au Camp. Est-ce que tu es là depuis plus longtemps? » demandes-tu. Tu l’as suis, venant passer de l’autre côté des grandes portes, que tu regardes également se refermer derrière vous, après avoir activité le mécanisme. Tu viens t’avancer lentement, le silence te frappant avec une certaine surprise. « C’est tellement silencieux, une fois hors des portes. » indiques-tu avec surprise. Tu parles peu, dans la vie courante, mais tu tentes tout de même de ne pas rendre le tout mal à l’aise, alors tu t’exprimes légèrement. « Quel souffle maitrises-tu? » demandes-tu pour te renseigner.

Je retiens un rire aigu, cachée parmi les branches d’un arbre me permettant d’observer les allées et venues des gardes. Ils ont tous l’air si faibles, je pense que ma mission ne sera en rien difficile. Distraire les gardes, les éliminer et les empêcher de sonner l’alarme pendant que les autres Démons qui m’accompagnent passent les portes et les remparts du lieu et prennent d’assaut le reste du camp. Je les rejoindrais sûrement, une fois que je serais débarrassée de ceux qui se dressent sur notre route. La relève de la garde se fait et j’observe le garçon et la jeune fille qui s’avancent pour se prostrer de manière ridicule devant la porte marquée d’un dessin de glycine. Que pensent-ils pouvoir faire, en cas d’attaque ? Ils vont rapidement se rendre compte que leur chance face à moi sont moindre. Je jette un coup d’œil derrière moi. D’autres Démons sont cachés dans les hauteurs de la forêt, prêts à passer dès lors que j’aurais suffisamment attiré l’attention des Pourfendeurs sur moi. Il ne me reste plus qu’à entrer en scène. C’est le moment que je préfère et un frisson d’exaltation parcourt mon échine. Je descends lentement de la branche sur laquelle je surveillais le camp et m’avance pour me retrouver au centre du chemin, à quelques mètres de la porte que gardent les deux Pourfendeurs. Ma silhouette, pulpeuse, féline mais menaçante, se détache dans la faible lumière de la Lune. Ils me remarquent sans doute rapidement mais c’est ce que je recherche. Je commence doucement à marcher vers eux, un rictus sadique prenant place sur mes traits de Démone.

-Pouvoir Sanguinaire. Filet du diable.

Je m’arrête et de mes mains sortent des ronces qui s’enfoncent dans le sol sous moi. Je n’ai pas besoin de m’approcher davantage, mon attaque va jaillir sous leurs pieds, les emprisonner et les empêcher de bouger pour me permettre de les tuer plus facilement.