Sayuni n'est vraiment pas sûre d'elle alors qu'elle s'avance dans un petit village qui semble en tout point abandonné. Il s'agit de sa toute première mission seule et dire qu'elle manque de confiance en elle est un euphémisme. Voilà seulement quelques semaines qu'elle a retrouvé sa mémoire au fin fond de la grotte des Tsuba mais elle n'en tire aucun mérite. Elle s'y est rendue avec un groupe de cinq autres Apprentis Pourfendeurs et elle n'a pas eu à faire grand-chose... Elle en est à se demander si elle mérite sa place dans l'Armée. Maintenant qu'elle a retrouvé ses souvenirs, elle a moins de difficultés à utiliser son Souffle : celui de la Fleur. C'est sans doute pour cette raison qu'elle est déjà envoyée en mission par la famille Ubuyashiki. Elle aurait de son côté préféré avoir droit à une plus longue durée d'entraînement... Elle est morte si jeune, dans sa première vie, en se sacrifiant pour protéger le Pilier de l'Eau des attaques de Muzan pendant ce qui est désormais appelé le Combat Final. Il n'est plus si final que ça maintenant qu'un nouveau Démon créé une autre armée.

Sa main fermement agrippée au manche de son katana, elle marche dans les rues vides du hameau. Il reste encore des habitants, à ce qu'on lui a dit, mais le lieu étant si souvent proie à des attaques de monstres, plus personne n'ose sortir de chez soi. Sayuni trouve étrange que plusieurs monstres s'attaquent au même village. Par le passé, ils avaient chacun leur territoire. C'est comme si cet endroit leur servait de garde-manger commun. Sayuni sait ce qu'elle doit faire : protéger l'endroit d'éventuelles attaques mais au fond, elle espère que rien ne viendra ce soir. Elle se concentre sur sa respiration, ses sens sont aux aguets mais elle n'est pas encore assez entraînée pour deviner si un Démon est proche. Dans sa tête, elle se répète tous les mouvements de son Souffle, il ne faudrait pas qu'elle se trompe... Un bruit finit par attirer son attention et elle dégaine son katana sans trop hésiter en se tournant vers une ruelle. Elle aperçoit une silhouette sombre, debout, au centre de la petite allée. Ses mains tremblent et elle resserre sa prise sur son arme pointée vers l'inconnu. Elle espère, la mâchoire serrée, elle souhaite que ça ne soit qu'un habitant téméraire qui se promène au beau milieu de la nuit.

Il s'approche et Sayuni sent une goutte de sueur perler sur sa tempe. Son katana est toujours pointé vers l'inconnu. Elle continue d'espérer qu'il ne s'agisse pas d'un Démon mais elle ne peut pas en être sûre. Il ne semble pas la menacer, ni l'attaquer. Il marche simplement vers elle et elle sent sa gorge s'assécher, comme si elle n'avait plus bu depuis des jours. Va-t-il lui parler ou révéler rapidement des intentions maléfiques. Elle ne veut pas baisser sa garde trop vite. Elle ne veut pas mourir. Elle repense à ses amis, les Pourfendeurs qu'elle a rencontré pendant son entraînement et à leurs sourires encourageants quand elle est partie seule du Domaine. "Reviens-nous vite, Sayuni, et débarrasse ce village de tous les démons!" Elle ne croit pas en elle mais eux bien. Elle doit donc être à la hauteur. Pour eux.

L'homme s'arrête à quelques mètres, une distance raisonnable mais au fond d'elle, elle n'est pas rassurée. Il est trop proche. C'est ce qu'elle se répète. Les phalanges de ses mains blanchissent sous la force avec laquelle elle tient son katana. Elle déglutit face à la question de son interlocuteur. Elle ne sait pas ce qui la terrifie le plus : le fait qu'il lui pose des questions pour peut-être la piéger ou le masque qu'il porte. Elle prend une grande inspiration, elle ne doit pas montrer ses failles même si toute sa posture transpire l'angoisse et la nervosité.

-Je suis ici pour défendre le village. On m'a informée qu'il subissait des attaques de..., non, elle ne doit pas parler des Démons, Habitez-vous ici, monsieur ? Il n'est pas prudent de se promener dehors une fois la nuit tombée... Vous devriez rentrer chez vous...

Elle espère le voir tourner les talents et s'empresser de rentrer chez lui mais le doute en elle grandit. Quel homme se promènerait au beau milieu de la nuit avec un tel masque sur le nez. Le stress lui retourne le ventre : elle s'apprête peut-être à combattre son premier véritable Démon.

Sayuni sait de source sûre que la moitié des habitants de ce village ont été massacrés. Certains doivent l'expliquer de manière rationnelle, pensant sans doute à l'attaque d'un loup. Les plus crédules aux yeux de ceux qui ne savent pas sont assurés que c'est l'œuvre de Démons. Sayuni préférerait qu'ils aient tord. Elle ne pense pas croiser quelqu'un si ce n'est une forme monstrueuse et effrayante. La silhouette masquée en face d'elle n'est pas monstrueuse. Effrayante, en revanche... La jeune Pourfendeuse aimerait se convaincre qu'elle n'a pas peur mais sa lame tremblant devant elle assure le contraire. Elle regarde la garde qui orne son katana, cette garde rattachée à tous ses souvenirs. Elle veut croire que son chemin ne s'arrête pas aujourd'hui. Face à la réponse de l'inconnu, un frisson d'horreur parcourt l'échine de Sayuni. S'il n'a pas de domicile, c'est qu'il ne vit pas dans ce village... ce qui veut dire que c'est un monstre.

Les oreilles de la jeunette bourdonnent si bien qu'elle n'arrive pas vraiment à comprendre ce qu'il lui dit par la suite. Elle est paralysée par la peur, comme si la présence du Démon lui était insoutenable. Ses lèvres tremblent. Elle n'a pas besoin de réfléchir longuement : elle sait ce que ce monstre veut lui faire et ça n'a rien de rassurant. Il avance et elle voudrait reculer mais ses jambes refusent de lui obéir désormais. Elle sait qu'il va attaquer, il va lui faire mal, il va essayer de lui arracher des morceaux, il vient de le lui dire. Elle n'a pas le temps de cligner des yeux qu'elle sent une douleur lancinante traverser son flanc. Dans un geste de survie, elle s'écarte brusquement et remet de la distance entre elle et lui... mais elle est déjà blessée, sa peau au niveau de ses côtes est ouverte et elle sent le liquide pourpre tâché son uniforme. Ce n'est pas une blessure grave mais c'est handicapant. Elle ne doit pas se laisser faire, elle doit se défendre mais plus encore : elle doit attaquer. Elle referme sa prise sur son katana pour paraître plus sûre d'elle. Elle fixe le coup du Démon masqué : sa cible pour le tuer.

-Souffle de la Fleur. Quatrième mouvement : Hanagoromo Pourpre.

À son tour, elle fond sur son adversaire pour lui couper la tête en tentant de lui asséner un coup unique mais courbe.

La Pourfendeuse s'est entraînée à se battre dans la fatigue, la chaleur et le froid. Elle a connu des situations très pénibles dans la grotte des Tsuba mais elle a survécu à tout cela. Il y a une chose à laquelle elle n'est pas préparée contre un Démon : la douleur. Elle parcourt son être, s'enfonce dans ses côtes même si elle n'est que peu touchée. Elle arrive difficilement à se concentrer sur autre chose. Elle a envie de s'assurer que ce n'est rien de grave, rien de mortel, mais elle sait que si elle jette un coup d'œil sur son corps, elle baisserait sa garde et elle diminuerait considérablement ses chances de survie contre lui. Non, au lieu, de ça, elle choisit d'attaquer à son tour et de tenter sa chance. Elle le coupe dans ses paroles mais ne parvient pas à viser sa nuque comme prévu. Au lieu de ça, sa lame s'enfonce dans le torse de son ennemi. Sayuni manque de perdre l'équilibre et fait plusieurs pas sur le côté pour se reprendre. La douleur la fait grimacer. Une de ses mains lâche son katana pour s'appuyer sur ses côtes. Grosse erreur puisque son adversaire s'élance à nouveau pour la vaincre. Elle voudrait éviter, tenter une esquive mais ne tenant pas son katana à deux mains, elle n'a aucune chance et les griffes du monstre s'enfonce dans son bras.

-Quatrième mouvement : Hanagoromo Pourpre.

Le mouvement qu'elle maîtrise le mieux est celui qu'elle décide d'utiliser une seconde fois alors que le Démon est proche d'elle. La nuque, toujours la nuque. C'est sa seule cible puisque les monstres ont cette fichue capacité de se régénérer.

Sayuni essaye de rester optimiste mais elle est distraite par sa peur, par les sons effrayants que la bête en face fait sous la douleur de ses coups de sabre. Elle ne le sous-estime pas, elle se demande quelle puissance ce monstre cache en lui, les expressions sous son masque... elle n'ose les imaginer. Elle ne doit pas non plus se rabaisser : elle a une lame spéciale, un Souffle qui lui permet de tuer les Démons. Elle a une chance si elle reste vigilante et elle compte bien le rester. Il l'attaque et touche son bras mais elle ne se concentre pas sur la douleur pour répliquer directement, profitant de leur proximité pour lui asséner un nouveau coup. Elle est surprise de voir qu'il place son bras entre sa lame et son cou, coupant net celui-ci...

Elle pousse un hurlement de douleur quand, alors que sa lame tranche l'un des membres du jeune homme, il plante ses griffes dans son épaule. Il a profité de son attaque pour qu'elle ne puisse pas se défendre ni esquiver. Un monstre sans doute affamé mais intelligent. Elle profite du fait qu'il temporise leur affrontement pour reculer de plusieurs pas. Son souffle est lourd, son regard brouillé par la douleur dans son épaule. Lui a plus de chance puisqu'il se régénère. Elle est de plus en plus mal, les trois endroits blessés de son corps continuent de perdre du sang. Les Soldats sont du genre à se battre dans le pire des états. Elle l'a lu dans les Archives du Domaine où elle vit. Ses yeux s'agrandissent sous la surprise des mots de son ennemi.

-Je suis le premier Pourfendeur que tu rencontres ?

Quelle chance ! S'il n'a jamais rencontré l'un des Soldats de son Armée, il n'est pas habitué aux Souffles et à ses techniques. Elle sent d'un coup une confiance en elle sans doute exagérée gonfler ses poumons. Malgré la douleur lancinante dans son épaule, elle tient fermement son sabre dans ses deux mains.

-Tu n'auras pas le temps de comprendre ce que je suis, tu seras déjà mort ! Cinquième mouvement : La Pivoine Futile.

Elle s'élance rapidement vers sa cible, profitant de son regain d'optimisme pour essayer à nouveau de le décapiter.

La jeune fille a ses sens aux aguets, malgré les blessures. L'adrénaline coule dans ses veines et la pousse à être encore plus rapide, plus forte. Elle voit bien que le Démon devant elle n'a pas une régénération rapide, il ne doit pas s'agir d'un monstre puissant et ça la réconforte dans ses chances de survie. Ses amis ont déjà fait face à des monstres de ce type et ils en sont sorti vainqueurs. Le Bien vainc le Mal. C'est l'ordre des choses et Sayuni espère que cet ordre est bien de son côté aujourd'hui. C'est avec la conviction d'une gagnante qu'elle relance une attaque. Elle ne veut pas discuter, elle n'est pas là pour avoir une quelconque conversation avec lui et puis... elle s'attache vite, Sayuni. Elle veut continuer d'attaquer pour ne pas penser que c'était un être humain avant sa transformation.

La déception de voir son attaque échoué la frappe de plein fouet. Elle pensait avec trop de confiance qu'elle aurait le dessus mais c'est avec une aisance étonnante qu'il parvient à éviter les neuf coups qui caractérise son Mouvement. Elle ne l'a même pas effleuré et voilà que la main de son adversaire prend une autre forme pour ressembler à une lame qui se dirige tout droit vers sa main.

-Deuxième Mouvement : Esprit du Prunier.

[Esquive : partiellement réussie] Utilisant la lame de son katana pour dévier l'attaque, elle parvient presque à le repousser. La main coupante du Démon s'enfonce légèrement dans son poignet avant qu'elle n'intervienne. Son corps est coupé de partout. Elle ne peut pas faire durer ce combat trop longtemps sinon, c'est l'hémorragie qui la tuera.

-Tu n'auras rien de moi, Démon. Quatrième Mouvement : Hanagoromo Pourpre.

Elle tente de viser le second bras de son adversaire. Elle espère qu'il ne parviendra plus à l'attaquer si elle le démembre et ainsi, elle pourra le décapiter plus facilement.

Les attaques parfois entrecoupées de quelques paroles s'enchaînent et Sayuni est de plus en plus perturbée. Même s'il doit s'agir d'un jeune Démon, ses attaques sont puissantes alors que les siennes le sont de moins en moins... Elle se doute que c'est dû à tout le sang qu'elle a déjà perdu. Il évite aisément ses attaques ou alors, elle ne le touche que très peu. Son seul fait remarquable a été de lui couper le bras... même si elle sait que ce ne sera pas une blessure qu'il gardera sur le long terme. Elle est plus lente, presque faiblarde et la peur de mourir l'aide à peine. Tout ce qui motive ses attaques, c'est l'adrénaline, l'instinct de survie qui guide sa lame encore et encore vers son ennemi. Elle enchaîne ses techniques, les mouvements qu'elle connaît et maîtrise le mieux mais elle voit bien qu'il pare sans difficulté et sa lame le coupe à peine. Tant qu'elle ne touche pas sa nuque, elle sait que seules des attaques puissantes le ralentiront, comme celle qui a coupé son bras. Elle est frustrée par la désinvolture du monstre qui fait de chacune de ses attaques des tentatives vaines. Sa détermination et sa confiance en elle se transforme en une colère vorace, une rage contre la mort qui la menace, qui plane au-dessus d'elle en prenant l'apparence de ce monstre masqué.

[Esquive : partiellement réussie] Elle veut bloquer la main de son adversaire mais ne fait que la dévier et elle la sent se planter dans son ventre. D'un coup de pied paniqué, elle repousse le Démon loin d'elle et s'écarte pour mettre de la distance entre eux, l'une de ses mains posées sur le trou dans son ventre.

-Tu... ne nous battras pas tous... si facilement.

Elle est nerveuse, tremblante de la peur, de la douleur et de la colère de ne pas être à la hauteur. Il a essayé de viser son cœur et il n'en était pas loin. Lui reste particulièrement calme et cela effraye encore plus Sayuni. Il ne la craint alors qu'elle est la première Pourfendeuse qu'il croise. Se battre jusqu'à la mort. Cette expression prend tout son sens maintenant. Elle prend une grande inspiration pour contrôler son Souffle de Concentration Intégrale. Elle essaye de stopper l'hémorragie comme on le lui a appris.

-Premier Mouvement : Épine du Rosier.

Couverte de sang, dans un état proche du pitoyable, elle s'avance à nouveau, moins rapide, certes, mais elle met toute sa force dans son sabre.